
Dans les Pyrénées, cette quête d’« un hydrogène
Le géochimiste Éric-Claude Gaucher est associé à un permis d’exploration, en cours d’instruction, sur une zone située entre Béarn et Soule. Si le feu vert est donné, des études et des forages devront déterminer si l’exploitation est viable
L’hydrogène. C’est le vecteur d’énergie souvent présenté comme l’une des pièces maîtresses de la transition énergétique. La promesse d’une substance qui ne recrache pas de CO2 dans l’air, mais seulement de l’eau. Encore faut-il le produire de manière vertueuse… ou aller le chercher en sous-sol. Le géochimiste Éric-Claude Gaucher est associé à un permis d’exploration qui a été déposé dans les Pyrénées-Atlantiques. Entretien
Pouvez-vous vous présenter ?
J’ai travaillé chez TotalEnergies pendant dix ans, à Pau. J’étais responsable de problématiques de géochimie des fluides dans les bassins sédimentaires. Nous avons pu financer plusieurs thèses sur l’hydrogène naturel qui est présent dans le sous-sol, notamment pyrénéen. Nous avons eu de bons résultats. Je poursuis ce travail de recherche dans les Pyrénées, les Alpes et d’autres régions avec ma société Lavoisier H2 Geoconsult.
Quel est l’intérêt d’aller chercher de l’hydrogène naturel ?
Aujourd’hui, on parle d’une production future d’hydrogène en tant qu’énergie verte à partir d’électricité et d’eau, grâce à l’électrolyse. En 2023, moins de 1 % de la production mondiale d’hydrogène est produite à partir de l’électricité. La majorité est issue des énergies fossiles : gaz et charbon (1). Pour de l’hydrogène décarboné, soit vous le produisez avec du nucléaire pour l’hydrogène rose, soit avec des énergies comme l’éolien et le solaire pour l’hydrogène vert.
Sauf que ces dernières sont intermittentes : on a donc du mal à faire fonctionner l’électrolyseur. Nous sommes déjà un peu en pénurie d’électricité, alors que le parc de voitures doit basculer vers l’électrique. Produire de l’hydrogène avec de l’électricité, cela fera un hydrogène qui sera très cher. C’est une équation un peu compliquée à résoudre. La solution que nous essayons d’amener est celle d’un hydrogène qui est déjà produit gratuitement par la planète, par des réactions chimiques naturelles.
Pourquoi les résultats des recherches sont-ils encourageants ?
Nous avons fait la démonstration que nous avions un « système hydrogène ». Il y a des roches du manteau, qu’on appelle « ultrabasiques », qui contiennent beaucoup de fer ferreux. Celui-ci réagit avec l’eau et produit l’hydrogène, lorsqu’il est à la bonne température, autour de 200 degrés. Donc, nous avons en profondeur une « cuisine à hydrogène ». Elle a fonctionné dans le passé, et nous avons des éléments qui nous montreraient qu’elle marche aujourd’hui.
« À l’issue de cette première phase, l’objectif est de pouvoir faire un ou plusieurs forages d’exploration »
Où en sont les recherches ?
Nous avons passé un cap. Nous avons démontré que l’hydrogène naturel existe, que cela peut être une ressource. Nous connaissons déjà un lieu qui est extrêmement pérenne. À Chimaera, en Turquie, les flammes éternelles sont un mélange d’hydrogène et de méthane fabriqué avec de l’hydrogène et du CO2. C’est connu depuis 2000 ans.
Peut-on dire qu’il y a une réserve dans les Pyrénées-Atlantiques ?
Surtout pas à ce stade de nos investigations ! Aujourd’hui, dans les Pyrénées-Atlantiques, il y a deux permis qui ont été déposés auprès de l’administration. Je suis associé à celui qui s’appelle « Grand Rieu ». Nous le portons à quatre entités. Il y a Storengy, une filiale du groupe Engie, et la start-up 45-8 Energy. Puis deux petits cabinets de consulting : M & U Geology et le mien Lavoisier H2 Geoconsult. Il y a beaucoup d’anciens de chez TotalEnergies dans ces structures. Nous avons voulu accélérer sur le sujet de l’hydrogène.
Quelle zone prospectez-vous ?
Notre permis a été déposé pour le bassin de Mauléon, avec une zone qui va jusqu’à Oloron-Sainte-Marie. L’idée est de se rapprocher de la « cuisine », où l’hydrogène naturel est censé – c’est notre hypothèse – se former aujourd’hui. Nous allons proposer une série de travaux à l’administration : sismiques, géochimiques, etc. À l’issue de cette première phase, l’objectif est de pouvoir faire un ou plusieurs forages d’exploration. Son but est de reconnaître le sous-sol et un volume de gaz qui peut être viable économiquement. Cette démonstration, nous ne pouvons la faire que si nous faisons des forages. Quand on entend parler d’un gigantesque gisement découvert en Lorraine… Ce n’est pas vrai. Tant que le forage n’a pas été réalisé, on n’a rien démontré.
On parle d’aller chercher le gaz jusqu’à 5 000 mètres de profondeur. Est-ce une limite pour le projet ?

EDIT © Infos-Jour

Mr.PiT

