Enquête … sur le dark web « la réalité de l’horreur dépasse l’imaginaire »
ÉPISODE 3. Comment les pédophiles utilisent-ils internet et le darkweb pour assouvir leurs pulsions ? Pourquoi est-ce aussi un moyen pour eux de ne pas passer à l‘acte ?
« Mon fantasme, c’était des jeunes garçons prépubères de 9 à 13 ans. J’ai glissé lentement sans m’en rendre compte. » Léonard [son prénom a volontairement été modifié à sa demande] a longtemps été addict aux images pédopornographiques.
Sur internet, le « dark web » est le lieu privilégié par les pédophiles pour assouvir leurs pulsions. Dans cette zone sans contrôle pullulent les images et vidéos atroces. Pour ce dernier volet de notre investigation destinée à mettre la lumière sur cette pédocriminalité galopante, nous avons opéré une plongée dans cet univers caché d’internet.
Une seule obsession : la consultation d’images
À Enquêtes d’actu, Léonard confie sa « souffrance » de « se sentir comme un monstre ». Il se décrit comme un ancien consommateur de « contenus pédo », mais refuse le terme de « pédophile », cependant, il reconnaît avoir déjà été attiré sexuellement par un enfant de 10 ans dans les transports en commun. « Je redoutais non pas de passer à l’acte, mais de faire de la séduction », insiste-t-il.
Léonard a été violé pendant plusieurs années, de ses 8 à 13 ans. En 2006, l’homme tombe sur une image d’un jeune garçon sur internet. « Ça a été une grenade à fragmentation dans ma tête, tout a explosé. Ça me renvoyait à mon passé. Je voulais comprendre comment cette image était arrivée là. En cherchant, j’ai été conduit sur des sites pédopornographiques. » Léonard s’est peu à peu désocialisé.
Je ne sortais plus avec mes amis. Je me suis déconcentré de mon travail. J’ai été licencié. J’ai commencé à boire pour éteindre mes pulsions de consultation et de téléchargement, je me droguais. Je perdais pied sans m’en rendre compte avec une seule obsession : la consultation d’images.
« J’ai décidé de me rendre à la police pour arrêter cet enfer »
L’homme âgé aujourd’hui de 46 ans a téléchargé des images pendant plusieurs années avant de se rendre de lui-même à la police. Il y avait 17 000 fichiers sur son ordinateur. « Un jour, j’en ai reçu un qui m’a vraiment choqué et j’ai décidé de me rendre à la police pour arrêter cet enfer. »
Il a été condamné en 2012, mais a été exempté de peine. « Je suis tombé sur une cour clémente. Elle a estimé que je n’étais pas un danger. »
Depuis 2021, Léonard est bénévole à l’Ange bleu. Il aide des pédophiles à s’en sortir, à se sevrer. « Les personnes que j’aide ont une vie de famille normale, mais ont ce jardin secret. L’année dernière, j’ai accompagné une personne jusqu’au procès. Il a deux enfants et une femme. Une vie normale, mais il téléchargeait des photos. Les personnes qui contactent l’Ange bleu appellent à l’aide. »
Des groupes de paroles pour pédophiles
Cette « association nationale de prévention et d’information concernant la pédophilie » a été créée par une femme aujourd’hui âgée de 71 ans, Latifa Bennari. L’Ange bleu offre un accompagnement aux personnes qui éprouvent une attirance pour les enfants afin de les aider à ne pas passer à l’acte sans substitution aux thérapeutes.
À son domicile parisien, cette médiatrice autodidacte, victime de viols lorsqu’elle était adolescente, a notamment mis en place des groupes de parole qui réunissent des pédophiles et d’anciennes victimes.
Ce ne sont pas des procès, mais des lieux d’échanges, de dialogues et de réponses sans préjugé. Les pédophiles qui ne sont jamais passés à l’acte et les ex-auteurs d’infractions sexuelles posent des questions aux victimes présentes et vice versa.
Nous nous sommes immergés dans le « deep » et le « dark web », ce lieu où les sites, noms de domaines, forums ne sont pas indexés par les navigateurs du « clear web » comme Google chrome ou Firefox, et qui sont pour la plupart illicites.
Mais pas besoin d’aller dans les profondeurs du web pour trouver des horreurs. Le « clear web » regorge d’atrocités. Dans cet internet grand public, certains sites sont réservés aux pédophiles. Des images d’enfants circulent, mais ceux-ci sont habillés. C’est le phénomène des no-nudes. Sur ces blogs, les pédophiles parlent de littérature, de films qui mettent en scène des enfants.
« C’est un écosystème de pédophiles qui s’échangent des listes de films, de séries, des blogs qui ont une orientation littéraire, avec des analyses esthétiques… On voit des enfants le torse nu. Ils discutent d’une fille avec du rouge à lèvre. Rien n’est illégal, mais la teneur des discussions est fortement désagréable », indique Nicolas Hernandez, secrétaire de l’association Point de contact, qui lutte contre cette criminalité depuis plus de 20 ans,
Il suffit de taper dans un moteur de recherche des mots-clés bien spécifiques pour faire remonter les forums légaux les plus connus des pédophiles. Ces sites présentent ostensiblement un logo en forme de triangle (voir capture d’écran). Il s’agit d’un logo qui identifie toute une communauté qui défend et justifie la pédophilie.